mardi 3 novembre 2015

Un peu de politique népalaise

Le blocage de la frontière avec l'Inde continue. Cela dure depuis plus d'un mois et personne n'arrive à prédire la fin. Les conséquences sont là : le montant des dégâts liés au blocus vient de dépasser celui du tremblement de terre. Moins d'écho international mais plus de dommages.
La carte du Népal

Alors, quels sont les impacts du blocus ressentis par les touristes ?


A Katmandou, les côtés positifs du blocus sont une pollution et un trafic moindres. C'est déjà pas mal. En revanche, la carte des restaurants diminue fortement : le Summit, hôtel et restaurant huppé proche de la maison, ne sert plus que des clubs sandwiches. Le café Soma où le café espresso single shot est si bon, propose des sandwiches froids uniquement.

Trouver des places dans les hôtels n'a jamais été aussi facile et bon marché ! Les prix se sont écroulés.  De même, les porteurs et guides sans emploi sont légions.

Le choix des destinations s'amenuise même si de nombreuses régions sont ouvertes au trek. Par exemple, le Langtang vient d'ouvrir à nouveau comme le tour du Manaslu. Paddle Nepal vient cependant d'annuler un voyage dans l'Est du pays du fait des troubles et des manifestations parfois (souvent ?) violentes. La zone du Teraï de l'Ouest est tranquille.

La première difficulté est de rallier les zones de trek : l'essence et les bouteilles de gaz pour cuisiner sont un vrai problème et les tarifs augmentent. Le vol Pokhara - Katmandou était à 135$ il y a 15 jours contre 110$ en septembre. Une voiture pour rallier Pokhara est dans les 18 000 roupies contre 9000 auparavant.

L'autre difficulté est d'ordre sanitaire : l'évacuation médicale qui n'a jamais été simple au Népal l'est encore plus maintenant. C'est la raison avancée par l'ambassade américaine pour déconseiller les déplacements de ses ressortissants. 

Au global, le nombre de trekkeurs a fortement diminué : de 50% dans la région de l'Everest par rapport à l'an dernier (soit 100 touristes par jour tout de même) ; de 50% sur le circuit de l'Annapurna ; proche de zéro au Langtang, au Manaslu et j'imagine dans le Rolwaling. Pour le Kanchenjunga, je n'ai pas de données mais cela ne doit pas être bien vaillant.

Et pour les népalais ?

La vie quotidienne des népalais est très perturbée :
- pas d'essence ou alors au marché noir (compter 500 roupies le litre à KTM)
- pas de gaz, le gouvernement vient de mettre en place la vente de demi-bouteilles de gaz pour cuisiner (je ne parle même pas de se chauffer). Les restaurants sont prêts à payer entre 7000 et 25 000 roupies la bouteille de gaz.
- les médicaments et l'oxygène manquent dans les hôpitaux tout comme l'électricité pour pouvoir opérer (pas d'essence = pas de groupe électrogène)
- les groupes électrogènes sont stoppés dans les entreprises : à ICIMOD, là où travaille Patrick, les grosses imprimantes, les machines à café et à thé, l'ascenseur, la clim', le chauffage sont arrêtées.
- les premières pénuries dans les épiceries (plus de lait en brique en provenance d'Inde)
- certaines entreprises ferment : restaurants par manque de gaz, teintureries, fabriques de bière (manque de levure), et peut être même notre boulanger (alors là, je dis stop !)
- transports publics bondés
- ruptures et envolées des prix sur les bicyclettes (idem pour les antivols qui ont pris beaucoup de valeur d'un coup)
- ...

Et nombreux sont ceux qui pensent à partir travailler à l'étranger. C'est très perturbant de croiser tant de personnes, de tous milieux, de toutes conditions, qui voient leur futur ailleurs qu'au Népal. C'est un sentiment qui n'existait pas autant à l'issue du tremblement de terre et qui devient massif.

Quelles issues ?


Selon Pradeep, le chef de Patrick, la situation est bien bloquée et les tensions montent. Aller chercher de l'essence en Chine n'est qu'un pis-aller : 90% du commerce terrestre provient d'Inde et le nombre et l'état des routes ne permettent pas de tout basculer d'un coup, il faudrait au minimum un an pour y parvenir.

La négociation avec l'Inde est donc la seule solution mais les indiens sont, selon lui, vexés : l'Inde avait demandé un droit de regard sur la constitution (de quel droit ?) avant sa promulgation, droit qui lui a été refusé. Alors l'Inde met en avant la nécessité pour les népalais de trouver "une issue politique" au ressentiment des madhesis (une ethnie du Sud-Est du Népal très mécontente du texte) avant qu'elle accepte de lever l'embargo mais envoie en parallèle des indiens manifester (violemment) aux côtés des népalais. Le Népal "libère" manu-militari un point de passage avec l'Inde, les indiens laissent les manifestants s'installer et bloquer à nouveau le passage...

Alors, à ce jeu-là, cela peut durer longtemps.

Et la reconstruction dans tout cela ?

Au niveau global, c'est tout bloqué. L'aide et les matériaux n'arrivent plus dans les zones sinistrées. L'agence de reconstruction n'est toujours pas remise en place... désespérant. Sauf que...

Vous avez donné 35 870.67 euros à Dibas et son association Kadam et que 35 616.43 euros leur ont déjà été donnés et ont été dépensés, utilement. Pierre vient de donner 30 000 roupies supplémentaires à son retour de mission que nous n'avons pas encore donné. Je sais, c'est mal.

Hugo est depuis une semaine à Borlang et aide les villageois à construire une maison pour une veuve. La semaine dernière, il a assisté à des ateliers pour la construction anti-sismique et a présenté (avec des slides traduits en népalais) la construction de serres. Bon, le rythme de travail n'est pas fou, mais les choses avancent et se font. Les villageois sont tout étonné de voir un étranger travailler et ils semblent hésiter à le faire marner davantage. A la place, ils le gavent (faudrait pas qu'il meure de faim quand même !). Et ils l'accompagnent partout, faudrait pas qu'il se perde non plus. ça lui fait bizarre, il n'a pas l'habitude :-)


Il a quand même pu faire un vol en parapente, seul, il est content.

Allez, je rajoute une petite carte, juste parce que je la trouve jolie :-)
Elle est un peu fausse car maintenant, il n'y a que 7 régions.

3 commentaires:

  1. et si vous organisiez un petit chantier à Borlang ou ailleurs ? ça pourrait être pas mal d'emmener nos ados, j'aimerais bien moi aussi. d'ailleurs si vous avez besoin on pourrait monter un projet avec le Lion's club ou le rotary, qu'est-ce que tu en dis ? bises (regarde tes messages Facebook)

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  2. PS : il y aussi les Gadzarts (anciens des Arts et métiers) qui organisent des projets de ce type... et il se trouve qu'on en a quelques uns autour de nous ;)

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  3. Coucou Blandine,

    Merci pour ton commentaire.

    L'idée de faire du volontariat au Népal est très attrayante mais la réalité peut être bien frustrante comme l'expérimente mon filleul Hugo en ce moment : rythme de travail népalais = très lent avec beaucoup de blabla, peur de faire travailler des étrangers (les pôv' chéris, ils sont en sucre)... et difficultés culturelles à commencer par la langue pour communiquer avec les villageois.

    De plus, elle peut parfois faire plus de mal que de bien notamment quand il s'agit de remplir des tâches non qualifiées (le Népal connaît un taux de chômage de 40% donc dispose d'un gros vivier de main d'oeuvre) et que le simple prix d'un billet d'avion peut permettre de payer 80 journées de travail (à 1000 roupies la journée) ; quand les volontaires occupent des postes de courte durée là où il faudrait des durées longues (je pense au volontariat dans les orphelinats où les volontaires restent 3 mois, où les enfants s'attachent puis expérimentent une perte puis s'attachent à un nouveau volontaire puis le perdent à nouveau...).

    Donc un chantier, oui, si Dibas et Kadam expriment des besoins précis nécessitant des compétences qu'ils n'ont pas. Et, si nous arrivons à trouver un fonctionnement moins frustrant pour les volontaires en place (Hugo a patienté une demi-journée hier sans savoir et comprendre ce qui se passait avant que les enfants et leur maître viennent assister à une présentation).

    Alors, j'attends que le premier chantier soit terminé, qu'Hugo fasse son rapport pour Dibas et Kadam et que nous fassions une réunion de debrief car sans doute eux-aussi doivent avoir des insatisfactions.

    Des bises

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